Saint-Pathus ► Trois ans d’emprisonnement pour le conducteur qui a tué Adrien Tran Van

 

La salle était pleine à craquer et remplie d’émotion pour le jugement de Christopher R. et sa compagne, Lucie P. Le couple comparaissait, vendredi 7 juin, devant le tribunal correctionnel de Meaux pour l’homicide involontaire d’Adrien Tran Van, 20 ans, décédé le 3 février 2018 des suites du choc de la voiture des prévenus contre la moto qu’il pilotait.

Les juges ont reconnu Christopher coupable des faits et l’ont condamné à trois ans d’emprisonnement dont deux ferme et un de mise à l’épreuve. Le permis de conduire du jeune chauffeur de car a été annulé et il a interdiction de repasser l’examen pendant six mois. Christopher sera aussi obligé de suivre des soins concernant sa consommation de produits stupéfiants. Lucie a été relaxée des faits dont elle était accusée.

L’affaire était déjà passée devant la justice le 31 mai 2018. Il avait alors été considéré par les juges que « trop de questions demeuraient sans réponses pour pouvoir rendre un verdict ». Ainsi, un supplément d’information avait été demandé par le tribunal.

L’accident a eu lieu sur la départementale 9E, à la sortie de Saint-Pathus. Contrairement à ce qui avait été dit au moment du drame, c’est Christopher, et pas sa compagne, qui était au volant du Renault Scénic qui a percuté la moto Kawasaki d’Adrien. Le conducteur était en train de dépasser le véhicule devant lui quand il a vu le phare du motard arriver en face. A la barre, le prévenu raconte : « Je savais que j’avais le temps de terminer le dépassement. Après j’ai eu un doute et j’ai freiné. J’ai voulu me rabattre ». S’ensuit alors le choc « inévitable » entre la voiture et la moto, sur la voix de circulation du deux roues. L’expertise a révélé que le Scénic circulait à 78 km/h, la Kawasaki à 90 km/h, ce qui était la vitesse maximale de circulation autorisée sur la portion de route. La vitesse des usagers n’a ainsi pas été retenue comme facteur déterminant de l’accident.

En revanche, Christopher a engagé le dépassement en franchissant une ligne de dissuasion. A la présentation de l’élément durant l’audience, la présidente demande à Christopher : « Vous avez conduit des poids lourds et vous êtes conducteur de car. Nous pouvons considérer que vous êtes un professionnel de la route ? » Le prévenu acquiesce et le magistrat reprend : « Pouvez-vous nous donner la définition d’une ligne de dissuasion ? » La réponse de Christopher ne la satisfaisant pas, la présidente enchaîne : « Le code de la route indique qu’autorisant le dépassement, une ligne de dissuasion oblige à une grande précaution avant et pendant la manœuvre ». En se référant de nouveau à l’expertise, il a été déterminé que l’accident a été causé par un facteur humain : l’imprudence du conducteur de la voiture.

« C’est pas bien de mentir, mon garçon »

Une fois l’accident survenu, Lucie, « malgré son état de choc », a joint les services de secours qui lui ont indiqué de ne pas bouger le blessé et de soulever la visière de son casque pour s’assurer de son état de conscience. Les appels téléphoniques aux services de secours étant enregistrées, il a été entendu que Lucie a fait mention, entre deux conversations avec un opérateur, d’un test salivaire. Après quoi, nous l’entendons dire, sans doute à Christopher, : « C’est moi qui conduisais ». Le couple va alors s’enferre dans leur mensonge jusqu’au moment où, suite au supplément d’information, Christopher a été placé en garde à vue. Il alors eu l’occasion d’échanger avec un policier qui l’a fait revenir « sur le droit chemin ». Il avouera qu’il était bien au volant de leur Scénic lors de l’accident. L’avocat de la défense, mimant la scène dans la salle d’audience, s’est appuyé sur l’aveu pour montrer que son client n’est pas un « dur à cuire » : « Il aura suffi qu’un policier lui tape dans le dos et lui dise, ‘C’est pas bien de mentir, mon garçon’ ».

Consommateur « occasionnel et festif »
de cannabis

Concernant leur mensonge, les prévenus, ont confessé s’être, au moment de l’accident, préoccupés du permis de conduire de Christopher, dont le métier dépend de son droit à emprunter la route. Sachant son conjoint consommateur « occasionnel et festif » de cannabis, Lucie a préféré endosser la faute et le test de stupéfiants, obligatoire en cas d’accident corporel. Elle craignait que le résultat soit positif si Christopher était testé. Ce n’est ni plus ni moins la peur de voir leurs revenus conjoints diminuer si Christopher avait perdu sa capacité à travailler.

Le jeune couple, pacsé depuis trois ans, venait, peu de temps avant le drame, d’acheter un pavillon, à crédit. En interprétant les éléments du dossier, la présidente du tribunal a déclaré : « Je crains de faire face, ici, à la litanie du petit égoïste ».
Le procureur de la République engageait alors Lucie : « Vous êtes enseignante. Vous représentez l’éducation nationale. Ne pensez-vous pas que pour vous aussi il y aurait des conséquences ? » La prévenue peinait à répondre clairement. Plus tard lorsqu’il lui a demandé pourquoi elle avait choisi de mentir, Lucie répondra : « Par amour ».

Le procureur de la République a demandé la relaxation de Lucie. Il a requis pour Christopher, trois ans d’emprisonnement, dont un ferme et deux de mise à l’épreuve, l’annulation de son permis de conduire et l’obligation de suivre des soins pour la consommation de produits stupéfiant. Le tribunal a suivi ses réquisitions.

La tante d’Adrien, entrecoupant chacune de ses phrases par un sanglot irrépressible, vacillant à chaque parole, a fait part, en témoignant lors de l’audience du 7 juin, d’un doute qu’elle avait, déjà avant la réouverture de l’enquête, par rapport au récit de Lucie : « Elle a dit avoir eu à sortir par la portière arrière côté conducteur. Or, si elle conduisait, le choc ayant été contre la portière avant côté passager du véhicule, elle n’aurait pas eu à s’extirper comme ça de la voiture ». Sans le supplément d’information ouvert suite à la première audience en mai de l’année dernière, « le tribunal aurait condamné une personne pour des faits qu’elle n’a pas commis ». « Vous vous en rendez compte ? », assénait la présidente à Lucie.

Pompier à Dammartin-en-Goële

Adrien, comme son frère jumeau, était sapeur-pompier et avait commencé sa carrière chez les jeunes sapeurs-pompiers (JSP) depuis ses treize ans. Tous les deux, étaient, depuis peu, en poste au centre d’intervention et de secours de Dammartin-en-Goële. Les premiers appelés sur l’accident ne sont autres que leurs collègues et amis. Parmi eux, se trouvait, Manon, la compagne de Romain, le jumeau frère d’Adrien. Dans le tribunal, elle décrivait l’accident comme « une scène de chaos ». La jeune femme racontait sa stupeur le soir de la tragédie : « J’ai vu le motard allongé par terre. J’ai vu la moto d’Adrien, que je connaissais mais que je n’ai pas reconnue. Lui portait son casque. Sur le moment, je ne l’ai pas reconnu non plus ».

La mère d’Adrien, les yeux remplis de larmes et la gorge nouée, témoignait à la barre : « On m’a dit que le choc a été tellement violent qu’Adrien a arrêté de respirer pendant trente minutes ».

« Le cœur, c’est l’amour »

L’accident a eu lieu dans la soirée du 2 février 2018. Adrien est décédé le lendemain, après avoir été héliporté à l’hôpital Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine). Le jeune homme, décrit « d’un altruisme sans faille » par ceux qui l’ont connu, voulait faire don de ses organes à sa mort. Cinq lui ont été prélevés afin d’être greffés. Au travers des pleurs, sa mère relatait : « Il m’avait dit qu’il voulait être incinéré mais surtout qu’il voulait donner ses organes. Ils ont réussi à lui prélever le cœur. Le cœur c’est l’amour ».